Les émotions d'une première biographie

"J'ai rencontré un monsieur dans le bus. Il souhaite écrire sa biographie". Ce sont les mots qui m'ont accroché il y a quelques semaines sur une application de quartier. Suis-je prête ? Suis-je légitime pour proposer mes services de biographe ? Et si ça se passe mal ? Non, cette fois, il faut que je mette ces questions de côté. Je me lance. 

Première rencontre en visio. Un mélange d'excitation et de panique m'envahit. Heureusement que mes proches sont là pour me rassurer : ce n'est qu'une visio, cela ne nous engage à rien, ni lui, ni moi.

Richard (nom d'emprunt) est déjà connecté quand je m'installe devant mon écran. C'est là que notre aventure commence. Il a énormément de choses à dire, Richard. Sa vie a été dure. Très dure. Il a connu la torture, la violence, l'ignorance. Il s'est débrouillé tant bien que mal dans une société qui ne lui a pas fait de cadeau. Suis-je préparée à recueillir un tel récit ? Oui, mais je dois mettre des limites et m'assurer que lui aussi, il soit bien entouré. 

Richard et moi, nous nous sommes donné rendez-vous dans un café la semaine suivante. L'objectif ? Nous aligner sur les délivrables du projet et le contenu de son livre et plonger directement dans le cœur de son histoire. 

Richard et moi nous sommes vus six fois dans ce café. L'heure prévue pour notre discussion n'a que rarement pu être respectée, tant je voulais qu'il continue à me raconter son histoire. Je sentais que parler lui faisais du bien. Je découvrais d'une histoire pleine d'action, de drame, de souffrance, mais aussi de joie. Par moments, je jure avoir vu du pétillant dans ses yeux. J'avais envie de tout savoir, de tout retranscrire. J'avais envie de l'aider à ce que son histoire serve au plus grand nombre, mais je voulais aussi, et surtout, qu'il se sente écouté lui-même. Au moins une fois dans sa vie. 

Le café de nos rencontres est devenu un lieu porteur de sens. Il est, en quelque sorte, devenu complice de notre projet. Les employés nous connaissent et Richard est fier de leur parler de son livre. Jamais plus, je ne pourrai passer par là sans repenser à ce que nous y avons vécu. Il est, pour toujours, rattaché à son histoire, ses anecdotes, son passé, son futur…

Richard était inquiet de l'effet que sa biographie pouvait produire, en particulier sur sa famille. Il a décidé de rester anonyme. Son récit l'est aussi. Nous avons travaillé ensemble pour qu'il puisse transmettre les émotions justes, telles que lui les a vécues, sans pour autant blesser son entourage à qui il tient énormément. Nous avons choisi les titres et sous-titres avec subtilité. Nous avons longuement échangé par message pour que l'âme de son récit vive dans son écrit. 

Et puis, ce matin, je suis allée imprimer la totalité du livre de Richard et je l'ai fait relier. En format brouillon, certes, mais, au moins, j'avais quelque chose de tangible à lui offrir. Et pour lui, la relecture finale serait plus aisée, puisque, jusque-là, il n'avait que son téléphone pour relire le texte.

Je me suis rendue à notre café au coin de chez lui et je lui ai tendu le livre. "L'Anonyme." Ah, très belle la couverture ! Il m'avait donné ses idées, et il découvrait la concrétisation ce matin-là. J'étais contente du travail accompli, mais, la plus belle récompense, c'était le visage de Richard : il rayonnait. Il semblait heureux de tenir en main le récit de sa vie. Je sentais la fierté dans son regard. Il m'a adressé peu de mots. Seulement des "merci" répétés, un sourire extra-large, de ses lèvres à ses yeux. 

L'aventure ne s'arrête pas là. Richard doit encore me faire parvenir ses dernières corrections. Ensuite, nous explorerons le monde de l'autoédition. C'est une première pour moi, et lui, il a déjà des clients pour son livre ! Nous nous reverrons donc, dans notre café, la semaine prochaine. J'espère pouvoir concrétiser son nouveau rêve : celui de publier sa biographie. Je ferais tout mon possible pour revoir ce regard pétillant de ce matin. C'est l'une des raisons pour lesquelles je me suis lancée dans Emervie. Tant d'émotions vécues, tant de fierté d'avoir finalisé un projet.

Et ensuite ? Si je me réjouis de poursuivre l'aventure avec Richard, je suis également impatiente de faire de nouvelles rencontres. Alors si vous voulez mettre vos souvenirs en récit, appelez-moi !